Elinor Ostrom

par Sophie Billard

[...] Elinor Ostrom  (1933-2012) travaille sur les communs, cette forme spécifique de propriété et de gouvernance. [...] Cette question [...] est en passe de redevenir un « outil pour penser » majeur, qui ouvre de nouvelles portes, et qui est en adéquation avec les questions du siècle qui débute : crise écologique, irruption des réseaux numériques, économie de la connaissance, modification profonde des régimes de production, redéfinition des droits de propriété immatérielle...


[...] La question des communs est au cœur de l'histoire du capitalisme. La première grande révolte populaire fondatrice de nos conceptions actuelles du droit, dans l'Angleterre du XIIIe siècle, avait pour cause l'expropriation des communs. [...] L'enclosure des communs allait susciter de grands mouvements populaires.


[...] La théorie des communs connaît un nouveau regain depuis la fin des années 1990, quand on a commencé à considérer les connaissances, les informations et le réseau numérique Internet lui-même comme un nouveau commun,. [...] Une différence majeure entre ces communs de la connaissance et les communs naturels a été pointée par Elinor Ostrom : les biens numériques (un fichier de musique, un document en réseau…) ne sont pas soustractibles. L'usage par l'un ne remet nullement en cause l'usage par l'autre.[...] On pourrait en déduire que ces communs sont « inépuisables », et qu'une abondance numérique est venue. Or, [...] on remarque au contraire que ces nouveaux communs de la connaissance sont fragiles. Il peuvent être victimes de ce que James Boyle appelle « les nouvelles enclosures ».


[...] Ces communs de la connaissance ont donné lieu à l'émergence de nombreux mouvements du numérique : [...] le mouvement des logiciels libres ; celui des scientifiques défendant l'accès libre aux publications de recherche ; les paysans opposés à la mainmise sur les semences ; les associations de malades œuvrant pour la prééminence du droit à la santé sur les brevets de médicaments ; les bibliothécaires partisans du mouvement pour l'accès libre à la connaissance ; [...]des « creative commons », [...] Wikipédia, MusicBrainz ....


[...] Du côté scientifique, la notion de communs reçut une attaque particulièrement pernicieuse en 1968, quand le sociobiologiste Garrett Hardin publia son article « La tragédie des communs ».


[...] Elinor Ostrom et Charlotte Hess, dans leur ouvrage majeur Understanding Knowledge as a Commons,  [montrent que ] le modèle de Hardin ne ressemble aucunement aux communs réels, tels qu'ils sont gérés collectivement depuis des millénaires, à l'image des réseaux d'irrigation ou des pêcheries.


[...] Le grand apport d'Elinor Ostrom est dans cette distinction entre les « communs considérés comme des ressources » et les « communs considérés comme une forme spécifique de propriété ». La notion de communs devient attachée à une forme de « gouvernance » particulière : il s'agit pour la communauté concernée de les créer, de les maintenir, de les préserver, d'assurer leur renouvellement, non dans un musée de la nature, mais bien comme des ressources qui doivent rester disponibles, qu'il faut éviter d'épuiser. Les communs sont des lieux d'expression de la société et, à ce titre, des lieux de résolution de conflits.

Élinor Ostrom (1933-2012) est une politologue et économiste américaine. En octobre 2009, elle est la première femme à recevoir le prix Nobel d’économie, avec Oliver Williamson, pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs.

source : Wikipédia

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